superreplica

Bibi, Autismapolis

Etre là où les choses se passent chaque fois qu'il est question d'autisme, avec les autistes, chaque fois que faire se peut...

Bienvenue à Autismapolis

 

Il y a 29 millions d’autistes sur la planète… Imaginons qu’ils vivent tous dans la même ville que nous nommerons Autismapolis.
Au moment où commence notre histoire, les habitants sont tous autistes… il n’y a que les vacanciers qui ne le sont pas…
Dans cette ville, nul besoin d’endroits comme les bars ou les discothèques. Chaque habitant possède sa petite maison qu’il organise et range à sa façon. Tous les matins, le cadran sonne à 6h30. Sept jours par semaine. Aucun besoin de week-end ou de congés spéciaux.
Ici, on aime la routine. À 6h30, tous les habitants se lèvent. Ils déjeunent, se lavent et s’habillent. À 7h15, ils prennent quinze minutes pour eux, histoire de relaxer avant d’aller au boulot.

À 8h00, ils sont tous arrivés à leur travail. Autismapolis est reconnue pour ses grandes compagnies d’informatique et d’électronique qui performent au plus haut point. Elle est aussi porteuse d’une renommée internationale pour ses artistes : les meilleurs musiciens et les meilleurs dessinateurs. Cette ville fait beaucoup d’envieux… taux de criminalité à zéro, tout est à sa place en ville, on s’y repère facilement à cause de sa quantité de tableaux indicateurs. On peut revenir dans dix ans, rien n’aura changé. Aucune inquiétude de se perdre. Pour les nostalgique, c’est le paradis.

La famille Sanschagrin, elle, habitait Montréal. Le couple s’était marié lors d’une cérémonie féerique et leur bonheur se poursuivait. Ils avaient maintenant un fils, Ted Sanschagrin, qui avait maintenant six ans. Les Sanschagrin avaient toujours offert ce qu’il y avait de mieux à leur enfant afin de favoriser son développement : les meilleurs jouets, les garderies les plus cotées, beaucoup d’attention et d’affection, et ils participaient avec lui à de nombreuses activités afin qu’il s’épanouisse. Bref, la famille Sanschagrin était comme toutes les autres familles de la planète qui ne vivaient pas à Autismapolis.

...
Lors d’un voyage de vacances à Autismapolis, les Sanschagrin se rendirent compte que cette ville offrirait de nombreux avantages au petit Ted, qu’ils voyaient déjà président d’une grande compagnie en informatique. Non seulement il deviendrait un génie de la programmation mais en plus, il aurait la chance de développer ses talents artistiques dans cet environnement favorable. Après ce voyage de rêve où tout leur semblait parfait, ils déménagèrent donc à Autismapolis.

Quelques jours après leur arrivée, ils inscrivirent le petit Ted à l’école de son quartier. Les parents étaient confiants : ils avaient tout fait pour que leur fils soit heureux, et forts des résultats de l’an dernier, il ne devrait donc y avoir aucun problème même s’il entrait dans une nouvelle école. Ted était un petit garçon joyeux qui ressemblait à tous ses petits amis de Montréal.. Il s’était rapidement adapté à ses copains l’an dernier alors, il devrait faire de même avec les petits autistes.

Cependant, dès la première semaine, l’enseignante se rendit compte que quelque chose n’allait pas avec le petit Ted. Il refusait de jouer une heure complète avec sa ficelle et il ne suivait pas l’horaire des autres. Alors que tous les enfants s’installaient à 14h02 pour la sieste, Ted lui, n’y arrivait qu’à 14h05. De plus, il ne rangeait pas les jouets qu’il prenait EXACTEMENT à leur place. Enfin, lorsqu’il quittait à la fin de la journée, Ted n’empruntait jamais exactement le même parcours et pire, il ne mettait pas ses bottes, son manteau et ses gants dans le même ordre d’une journée à l’autre.

Au bout de deux semaines, l’enseignante décida d’en parler au directeur puisque l’enfant dérangeait toute la classe avec ses étranges comportements. Après un long entretien, soupçonnant les parents d’un laisser-aller évident (et ils étaient nouveaux en plus…) ils décidèrent de convoquer une rencontre dans les plus brefs délais. On pensa aussi à faire venir le psychologue, le travailleur social, l’ergothérapeute et le psychoéducateur.

Trois jours plus tard, la rencontre eut lieu. Les parents s’étonnèrent de voir autant de problèmes déclenchés aussi rapidement. Ils assurèrent les professionnels qu’ils avaient toujours faits de leur mieux pour éduquer leur enfant à partir de leurs valeurs. Jamais ils n’avaient eu le moindre petit commentaire sur le comportement du petit Ted. Ils ne comprenaient pas pourquoi l’enfant n’arrivait pas à se conformer au groupe ni à répondre aux consignes de manière adéquate.

...
Tout le monde se mit alors d’accord : l’enfant développait un problème sérieux et il fallait intervenir au plus vite. C’était son avenir qui en dépendait. On décida donc que le petit Ted et ses parents auraient droit aux meilleurs services scolaires. Les parents restèrent perplexes mais furent quand-même soulagés de savoir qu’on allait s’occuper du petit Ted.

Un peu plus tard, après quelques rencontres avec tous ces nouveaux adultes, le petit Ted entendit discuter certains d’entre eux. Il commença à comprendre que quelque chose n’allait pas. Les rencontres pour jouer avec les adultes de sa nouvelle école n’étaient pas simplement des jeux : lui, le petit Ted, avait ce que les grands appelaient un problème. Il se sentit triste : il n’était pas comme les autres. Mais il ne comprenait pas…

Plus le temps passait et plus le petit Ted devînt malheureux. Personne ne lui expliquait pourquoi il était différent. Plus les jours passaient, et plus il devenait en colère et plus il se refermait sur lui-même. Même ses nouveaux amis refusaient maintenant de jouer avec lui : Ted les frappait et ils le trouvaient méchant.

Ted devînt de plus en plus isolé et triste. Des années plus tard, on dû créer une classe spéciale pour l’y envoyer puisqu’il ne fonctionnait plus avec les autres enfants. Comme il se sentait encore plus seul, il décida d’abandonner ses études.

Ted a eu une vie très triste, trop différent pour les autres, il n’a jamais pu s’intégrer nulle part dans sa nouvelle ville. Il n’est pas devenu président d’une grande compagnie. Ses parents et lui étaient très tristes parce qu’ils n’ont jamais compris. Ils étaient tombés sur des gens Bien Intentionnés… Bien Inconscients…

La morale de cette histoire contient deux points :
1. Normalité est un mot bien relatif … ça dépend de qui en parle
2. Lorsqu’on a affaire à un monde qu’on ne connaît pas, on a intérêt à ne pas se fier simplement à notre cadre de référence et à aller voir de plus près avant de prendre une décision

Bibi

– Reproduction Interdite – Copyright « Bibi », Autisme Alsace –

Illustrations : Gilles Tréhin, autiste